Moi j’ai commencé à vraiment vivre à l’âge de 24 ans, parce que mes parents choisissaient pour moi, et j’avais une grande soeur qui avait arrêté les études à l’âge de 19 ans. Elle est restée à la maison, et je voyais ce que je devais devenir à travers elle : à la maison, à la cuisine, qui est un monde qui ne m’intéressait pas.
On est venus en France quand j’avais 7 ans, j’avais 1 soeur et 3 frères. Et le 5ème enfant, mon frère, est né ici. Je suis donc au milieu, j’étais un peu la bête noire, je m’évadais à travers les livres. L'école m’a beaucoup aidé même si je n’étais pas super forte. Ce qui m’a aidé, c’est le sport et tout ce qui est artistique. J’avais aussi un prof de français qui ne nous pénalisait pas sur les fautes mais qui regardait plus la rédaction, et nous encourageait à écrire. . J’amais les livres comme Stephen King, les histoires qui tiennent, pas les histoires à l’eau de rose. J’aimais rêver à une vie trépidante, donc je la vivais à travers les livres. Le week-end, on ne faisait rien, hormis recevoir du monde, ou mes parents allaient chez les gens. Et on n’allait pas en vacances au bled (Algérie).On avait pas cette culture qui devait être transmise par mes parents. On me disait : “tu es une fille, tu n’as pas le droit de faire ça ou ça”. Et en même temps, il y a la double culture, qui n’est pas évidente parce qu’on voit les autres qui font des choses, qui profitent. Donc j’ai commencé à protester à râler, et on recevait les coups, mon frère et moi étions les deux bêtes noires. Même si on était adultes, on était considérés comme des enfants.
Je voulais faire aide soignante, mais mon père ne voulait pas, parce que je devais dormir làs bas. Tous les projets que j’avais tombaient à l’eau. J’ai été voir ma prof’, qui organisait des colonies de vacances parce que je savais qu’il me fallait de l’argent pour payer ma chambre, et je ne voulais pas dormir seule. Le soir même elle a reçu un appel d’une femme en Espagne qui avait besoin d’une fille au pair. J’ai accepté mais c’est mon père qui avait mes papiers donc j’ai effectué ma naturalisation française. Je ne pouvais pas sortir sans mon père, du coup on a mis en place un stratagème pour faire la demande de naturalisation, avec l’appui du maire de Reichstett. Donc je suis partie, et quand je suis revenue j’ai été voir cette prof’, et je suis tombée sur une dame qui m’a proposé de venir chez elle en contrepartie de ménages. Donc c’est devenue une deuxième famille, c’est comme ma deuxième mère. Ce sont des personnes que je vois encore maintenant. Ensuite, j’ai repris mes études. J’avais 25 ans, je ne voulais finalement plus faire aide soignante.
Je n’ai jamais eu de problème d’intégration dans ma vie adulte, le travail ou ailleurs puisque je suis arrivée lorsque j’étais enfant et que j’ai été scolarisée. Les seules difficultés d’intégration que j’ai rencontrées sont survenues à l’école, quand on est arrivés en France. On était les 4 arabes ensemble, séparés des autres enfants de la classe et dès qu’il y avait des poux ou un vol, “c’était nous”. Ensuite, à l’école un proviseur remplaçant est arrivé, et il a tout changé : il nous a mélangé aux autres et il a voulu qu’on apprenne à se connaître, et qu’il n’y ait plus de différence. Donc j’ai eu envie de continuer le blocage était plutôt culturel et familial.A 30 ans, j’ai repris le chemin de l’école, pour passer le concours de moniteur éducateur
J’ai ensuite déménagé vers le Jura et me suis mariée avec un français. Nous n’avons pas eu de problème de religion ou d’appartenance.
Finalement, c’est vraiment l’école qui m’a beaucoup aidée, parce que ça m’a ouvert l’esprit. Au travers des livres, j’ai pu m’évader, avec des histoires dans un premier temps et ensuite pour mon développement personnel, pour comprendre la vie.
Les centres locaux d’information pour les femmes et les familles m’ont été d’une grande aide, notamment parce qu’ils donnent beaucoup d’information juridique. A l’époque, ils aidaient aussi financièrement, pour les projets de formation ou les difficultés ponctuelles. Quand je suis revenue du Jura, les associations locales m’ont beaucoup aidé, le temps de se remettre sur pieds, avec des paniers d’aide alimentaire par exemple. Et pour leur rendre l’appareil, je donnais un coup de main quand ils faisaient les veillées de Noël. Je ne pouvais pas donner d’argent mais je donne de mon temps et avec bon coeur. J’allais voir une conseillère en vie familiale et sociale à qui je me confiais quand j’avais besoin de conseils. Et ensuite j’ai travaillé sur moi, pour que ça n’impacte pas mes enfants.